Cartographie 4

Soumis par pierre-yves le mer, 08/12/2010 - 18:20

Le renouveau scientifique touche l'astronomie :

- en 1543, le Polonais Nicolas Copernic affirme, à l'encontre des théories religieuses que la Terre n'est pas le Centre de l'Univers et qu'elle tourne autour du Soleil.

"Au dessus des orbes planétaires, se trouve l'orbe immobile des étoiles fixes." Mais dans sa théorie, le mouvement circulaire uniforme, cher aux anciens, reste intangible. Il faut attendre Kepler pour découvrir que les orbites sont elliptiques (Astronomia Nova, 1609). Pour cela, il a calculé la trajectoire de Mars en partant des observations de Tycho Braé. Tout cela se passe à Prague, qui vit son âge d'or grâce à l'Empereur Rodolphe II, avant la fameuse révolte des nobles (défenestration de Prague en 1618 et bataille de la Montagne Blanche en 1620). Tycho Braé, d'origine danoise, a créé le premier "observatoire" des temps modernes, à Uraniborg, sur l'île de Hven, avec l'aide du roi Frédéric du Danemark. Il meurt mort à Prague, en 1601, en laissant à Kepler la description de 800 étoiles. Copernic explique également la précession des étoiles (avec l'inclinaison de l'axe Nord-Sud de la Terre de 23° par rapport à son axe de rotation, inclinaison qu'Hipparchus de Rhodes avait découverte en l'an 150 av. J.C..

Anvers supplante Venise au XVIe siècle, ...

et devient la capitale de production des cartes et plans. En 1571, le libraire Abraham Ortelius invente ce qu'on appellerait aujourd'hui un atlas, c'est à dire un recueil de cartes de petit format (50x65 mm quand même) dans un même ouvrage relié (pompeusement appelé "Theatrum Orbis Terrarum"). Mais le nom "Atlas" a été donné par le géographe (philosophe et théologien) flamand Gérard Mercantour à un ouvrage décrivant le ciel (1595), en référence au roi mythique de Libye qui aurait conçu le premier globe terrestre, et non pas au géant rebelle de la mythologie grecque que Zeus condamna à porter le ciel sur ses épaules (et plus tard, pour plus de cohérence, la voûte céleste fut changée en globe terrestre). En 1569, il propose un système de projection qui passe à la prospérité : il déroule le globe sur un cylindre, les méridiens sont parallèles entre eux, entraînant une déformation dans les hautes latitudes. La route maritime, qui coupe les méridiens sous le même angle, est une droite (route loxodromique). Mais, la distance parcourue n'est pas mesurable directement sur la carte. A la mort de Mercantour, ses deux fils, Rumold et Gérard, poursuivent son oeuvre.

La recherche d'un autre passage au Nord de l'Europe et de l'Asie : les Hollandais s'y mettent

Une motivation religieuse et nationaliste pousse un nouveau challenger dans la course aux épices :

     - en 1579, les "Provinces Unies" (7 provinces protestantes) s'unissent contre l'Espagne catholique, qui domine le Sud des Pays-Bas (la guerre prendra fin en 1648, avec la reconnaissance des Provinces-Unies indépendantes),

     - en 1580, Lisbonne, qui est l'allié de l'Espagne, réagit en fermant son port aux Provinces-Unies.

Celles-ci se lancent alors à la recherche d'un passage Nord-Est, pour éviter la mainmise des Ibériques sur les passages Sud (africain et américain). Trois expéditions sont lancées en 1594, 1595 et 1596. Elles échouent mais permettent de repérer les îles du Spitzberg et les Samoyèdes, en 1596. , L'explorateur Barentz est bloqué 9 mois dans les glaces. Il parvient à s'en dégager au printemps, mais il périt sur le chemin du retour. Une partie de son équipage atteint Amsterdam. La mer du Nord de la Finlande est baptisée en son honneur, "mer de Barentz". Ces recherches sont abandonnées en 1597, quand le hollandais Cornelius de Houtman double le cap de Bonne Espérance.

Amsterdam supplante Anvers vers 1600. En tout, jusqu'à 6000 navires sont armés, pour la pêche, le cabotage, et le transport, soit autant que toutes les autres flottes européennes réunies. La Compagnie des Indes Orientales effectuera 4000 voyages (d'environ 2 ans), de 1602 à 1781.

Les Hollandais étendent leur puissance sur l'Océan Indien, écartant au fur et à mesure les Portugais qui ne gardent que quelques comptoirs comme Goa, en Inde ou Macao, face à la Chine (prise de Malacca, en 1641, colonisation de la ville du Cap, en 1650). Les Hollandais inaugurent une route plus rapide dans l'Océan Indien. Au lieu de remonter vers l'Inde aussitôt après avoir contourné l'Afrique, en longeant Madagascar, ils poursuivent vers l'Est, à la hauteur du cap de Bonne-Espérance, pour ne remonter vers le Nord qu'au niveau de l'Indonésie. C'est ainsi qu'en 1605, ils découvrent, "par hasard", les côtes de l'Australie, qu'ils baptisent "Nouvelle Hollande". En 1642, Abel tasman fait le tour du nouveau continent

Et en 1660, un navire hollandais, commandé par un Portugais, David Melgueiro, aurait rallié l'Europe, en partant du Japon, par le Nord. Ce récit incertain aurait été recueilli, vers 1700, par un officier français envoyé à Lisbonne, pour s'informer sur les routes portugaises vers l'Extrême orient. Le premier voyage officiellement reconnu sur cette route date de 1878/79 (par le Suédois Adolf Erik Nils Nordenkiöld), après la découverte du détroit de Béring par le russe Simeon Dezhenev (1648) et son exploration par le danois Béring.

Les Hollandais mettent la main sur le commerce du poivre et du clou de girofle, n'hésitant pas à détruire les plans des régions qu'ils ne peuvent pas contrôler (par contrat avec les rajahs locaux, ou par la force), ou à acheter les feuilles des arbustes, qui dépérissent. Pour maintenir les cours, en Europe, ils limitent les importations, allant jusqu'à brûler les excédents. C'est un botaniste lyonnais au nom prédestiné, Pierre Poivre, qui parvient, vers 1750, à dérober des plants de poivrier et de giroflier et à introduire leur culture dans les colonies françaises des Tropiques.

Les cartes sont entretenues par le bureau de la Compagnie, qui n'hésite pas à les commercialiser, dans la limite de la confidentialité.

- en 1597, le navigateur hollandais Keyser repère de nouvelles constellations dans les mers du Sud, qu'ils baptise de noms d'animaux peuplant les terres du Sud (oiseau de paradis, paon, toucan).

- de 1611 à 1669, Jodacus Hondius réédite des atlas mis à jour, mais il conserve des références à la Bible et aux légendes (comme le partage du monde entre les trois fils de Noé).

- 1663 : Joan Blau (1596-1673) édite les Nouvelles cartes des Sept Provinces de Germanie Inférieure. Son père, Willem Janszoon avait commencé cet ouvrage en 1634 et mourut avant de l'achever. Il contient 650 cartes reliées, dans un format inédit. Il est traduit et publié en 5 langues.

Anthony van Leeuwenhoek (1632-1723) est né la même année que le peintre Vermeer. Géographe et astronome de Delft, il est représenté par Vermeer dans une toile. Sur d'autres, Vermeer montre des plans tendus au mur, ou un globe terrestre ("mappemonde", comme celle de Jodacus Hondius, 1618).

Les relations avec l'Extrême Orient :

Les Hollandais fondent des comptoirs, comme Batavia (ancien nom de la Hollande), en 1619 (actuelle Djakarta). Ils n'entretiennent, avec les autochtones, que des relations commerciales. Ils ne cherchent pas à les évangéliser. C'est pourquoi les Japonais, après avoir expulsé ou exterminé les missionnaires portugais, acceptent de commercer avec les Hollandais (1638).

Les Japonais explorent, à leur tour, la Chine, l'Indonésie et les Philippines (1590-1636). Leurs cartes dérivent des portulans portugais.

En Chine, les Jésuites (qui ont obtenu du pape le monopole de l'exploration en 1585) rencontrent un milieu réceptif à l'astronomie et à la cartographie. Matteo Ricci, missionnaire cartographe, établit un atlas de la chine, fondé sur des relevés topographiques. .

La découverte de l'Australie:

En 1615, un marchand d'Amsterdam, Lemaire, brave l'interdit d'emprunter la voie américaine (détroit de Magellan), pour rejoindre l'Indonésie. Il erre pendant 6 mois autour de la Terre de Feu, avant d'atteindre le cap le plus méridional, qui sera baptisé du nom du navire explorateur, le Horn.

Le détroit de Behring :

Ce détroit qui sépare la Sibérie de l'Alaska a été découvert par des explorateurs russes, partis en 1741 de Moscou. Ils mirent 10 ans pour atteindre, par la voie terrestre l'extrême Est du continent, utilisant la main d'oeuvre locale pour transporter leurs bagages. Ils construisirent deux navires, le Saint-Pierre et le Saint-Paul, pour rejoindre l'Alaska.

La cartographie française et allemande :

Elle se démarque du faste des éditeurs hollandais et flamands, et s'attache davantage à l'exactitude des mesures et à la précision des tracés. Les commentaires mythologiques sont bannis. Éventuellement les villes sont décrites. les couleurs sont utilisées de façon raisonnée, pour distinguer deux territoires, par exemple.

La géographie terrestre :

Délaissée pour la cartographie marine, la géographie terrestre trouve ses lettres de noblesse sous Louis XIV qui en fait un instrument de conquête et de pouvoir : les zones frontières sont reportées, ainsi que les bords de mer. Il en tire les fameux plans en reliefs, qu'il conserve jalousement au Louvre. Mais Colbert est plus ambitieux encore : il charge l'Académie des sciences de réaliser la carte du Royaume.

Vers 1700, Claude Massé commence la cartographie précise de la côte de Charente. Il y consacre 30 ans et meurt des fièvres attrapées dans le Médoc. Il dessine rigoureusement la nature des terrains (marais, prés, bois, et villes). Les ingénieurs des Ponts et Chaussées s'imposent comme géographes. Le relevé précis à grande échelle de la France va demander un siècle de travail à quatre générations de Cassini.

Le 16 mai 1769, la France signe un traité de paix avec les Pays-Bas. La cartographie est utilisée pour délimiter les territoires respectifs.

Renaissance de la marine française

La France de Louis XIV triomphe sur les mers (Mahé,...). Sous Louis XV, en 1720, le Dépôt de la Marine est créé, à Brest, pour préserver les cartes marines. En 1752, l'Académie de Marine se charge de dépouiller les journaux de bord des navigateurs.

En 1763, la France a perdu le guerre de Sept ans face à l'Angleterre et doit abandonner le Canada, la Louisiane et l'Inde. Néanmoins, la Marine royale maintient sa présence sur les océans.

1785 : Buache de La Neuville, hydrographe du Roi, établit le plan (secret) du voyage de La Pérouse (1788), sur les traces de Cook et Clarke (1779), à la recherche du passage entre l'Asie et l'Amérique.

Encore à la recherche du Passage Nord de l'Amérique

Il faut attendre 1843 pour que deux navires, partis l'un de l'Est, l'autre de l'Ouest, se rejoignent au Nord du Canada, avant la prise de la glace. Une seconde expédition tente le tour complet mais échoue. Partis 138, les marins sont 104 lorsque la glace prend au piège leur navire. le commandant décide d'abandonner le navire, rompu par la pression de la glace. Au bout de plusieurs jours, n'ayant trouvé âme qui vive, la moitié de l'équipage fait demi-tour. Aucun homme des deux groupes ne survivra. plus tard on retrouvera, aux mains des esquimaux, des couverts en argent de l'équipage. c'est en 1906 qu'Amundsen, après 3 ans de mer, réussit à franchir le cap du continent nord-américain.

 

rédigé en 1996, mis à jour en décembre 1998 (suite à la visite des expositions d'ouvrages anciens de Lorraine, à Bar-le-Duc, et “ Couleurs de la terre ” à la Bibliothèque nationale de Paris).