Giambattista Tiepolo

Soumis par pierre-yves le mer, 07/04/2010 - 18:46

Giambattista Tiepolo

est né en 1696 à Venise, dans un quartier populaire. Il a 14 ans quand il rentre dans l'atelier du peintre Lazzarini. Mais son maître à peindre a pour nom Véronèse, le spécialiste des (s)cènes bien posées dans un décor d'architecture et des couleurs franches et vives. Très vite, Tiepolo se fait remarquer par sa fougue :

  • fougue de l'exécution, qui lui permettra de réaliser des fresques sur des fonds encore humides et que l'on ne peut pas corriger.
  • fougue des couleurs éclatantes (vermillon, bleu de Prusse, jaune de Naples, et verts "Véronèse") accentuées par la lumière et les ombres (en ce sens, il est un peintre du clair-obscur)
  • fougue des gestes.

Ses personnages adoptent des poses figées, souvent étranges, voire pathétiques, tandis que leur regard se perd dans la perplexité. Il copie en cela son rival du moment, Giambattista Piazzetta. Je trouve un certain désordre aux regards divergents : pas un qui scrute la même direction qu'un autre, comme si chacun suivait son idée mystérieuse, perdu dans la contemplation. La vierge lève les yeux vers le ciel, le bébé baisse de lourdes paupières, seul un angelot espiègle observe le spectateur, avec un demi-sourire.
Tiepolo épouse une sœur du peintre Guardi (le peintre des vedutte). Ils mèneront une vie paisible, et aisée, que ne connaîtront pas les peintres des siècles suivants (rien à voir avec la bohème de Modigliani, l'errance de Vincent Van Gogh ou les frasques de Diego Rivera). Ils auront 7 ou 9 enfants (on manque de certitude !). Son œuvre semble découler de cette atmosphère paisible : ses personnages restent calmes, sous des cieux limpides.
Tiepolo manifeste très tôt un intérêt pour la perspective ascensionnelle, avec des grands tableaux d'églises, suspendus assez pour haut pour obliger le spectateur à lever les yeux. Il s'oriente vers des grands formats, qui évolueront tout naturellement vers les grands tableaux d'église (première commande dans l'église des Scalzi, en 1720), et vers les fresques murales, aussi bien pour des commanditaires religieux que pour des grands seigneurs. Sa popularité débordera des frontières, puisqu'en 1736, à l'âge de 40 ans, il sera sollicité par le roi de Suède (qu'il refuse), puis par les évêques allemands (Cologne en 1736, Würzburg en 1750), et, vers la fin de sa vie (1760) par le Roi d'Espagne Charles III. Il est surtout connu pour ses plafonds pleins d'allégories baroques, et d'angelots, qui flottent dans les cieux bleus, au dessus de colonnes en trompe l'œil. Son style perd en dramatique et gagne en lyrisme.
On a dit que Tiepolo s'amuse dans ses représentations. Cela paraît probable dans les dessins au crayon, rehaussés de lavis, qui mêlent le genre de la caricature (gros nez, vieillard bossu, ...) et le genre de la fable. Ces dessins, d'une remarquable qualité, affichent des expressions bien plus vivantes que dans les tableaux. Cela signifierait-il que l'artiste se sentait limité par les canons officiels lorsqu'il faisait une œuvre destinée au public, et qu'il se libérait pour des dessins à caractère personnel et confidentiel ?
Tiepolo est finalement un excellent dessinateur : ses esquisses (bezzotti), indispensables pour préparer la réalisation des grandes fresques, sont peintes et dessinées. Elles sont présentées aux commanditaires, pour répondre à un concours, ou sceller un contrat, puis elles servent de document de travail pour ses assistants. Car, pour exécuter des fresques, de 600 m² par exemple au château de Würzburg (1750-53), Tiepolo se fait assister par deux de ses enfants, Giandomenico et Lorenzo, ou par des élèves, venus d'Allemagne, d'Italie (Livio Retti), d'Espagne ou des Pays-Bas (mais pas de France). Notons au passage qu'il ne travaille pas en France, où il restera peu connu, si ce n'est à travers des estampes achetées par le collectionneur JP Mariette (elles sont maintenant à la bibliothèque nationale).
Au gré de ses voyages, il capte des influences, par exemple l’influence des Hollandais (Franz Halz ou Rembrandt) qui transparaît dans le Portrait d'Antonio Riccoboni, professeur de l’Université de Padoue (1571). Ces sujets, quand ils ne sont pas religieux, sont souvent mythologiques, quitte à mêler les périodes, ce qu’il fait en associant Renaud, compagnon d’armes de Godefroy de Bouillon, à la déesse antique Armide. Renaud est amoureux d’Armide, mais il doit l’abandonner pour partir en croisade. Le ciel est, comme d’habitude, d’un bleu vaporeux, et les personnages austères et élégants. A Véronèse, il emprunte le décor genre Noces de Cana pour le déjeuner que Cléopâtre offre à Antoine, dans son palais turc (Le banquet d'Antoine et Cléopâtre -1745-47). La scène se passe en 41 avant J.-C.. La reine d’Egypte vient de perdre César. Aussi, elle rend visite au nouvel empereur et fait tout pour le séduire, en quoi elle réussit, puisque leurs amours dureront 10 ans. On la voit débarquer d’une barque à voile, avec mobilier et ors (L'entrevue d'Antoine et Cléopâtre). Sa robe blanche et soyeuse contraste avec la tunique rouge de l'empereur. Les deux grands tableaux ont été acquis par le prince russe Youssoupov, et sont conservés, depuis, en Russie.
De 1750 à 1753, il vit en Bavière, pour réaliser les décors de fresques du Palais du prince-évêque de Würzburg.
De 1753 à 1760, il est dans sa ville de Venise. Et en 1760, il repart, pour l’Espagne, ce qui ne l’enchante guère. Il a 64 ans, et mourra à Madrid 10 ans plus tard. Madrid ne lui plaît guère, sans doute à cause du climat plus froid qu’à Venise. Il peint le plafond de la salle du couronnement du Palais royal, pour le roi Charles III. Après ce chantier, il reste sur place. Il peint des paysages, plus romantiques que baroques, non pas pour l’art du paysage, mais sous prétexte de scène religieuse ou mythologique. Par exemple Le repos pendant la fuite en Egypte est l’occasion de montrer un fleuve majestueux, au milieu de montagnes, et, ... en tout petit, l’âne de Joseph.
Après sa mort (1770), son style a cessé de plaire et on l’oublie très vite. Son fils Lorenzo reste à Madrid où il meurt en 1776, tandis que Giandomenico est retourné à Venise, où il meurt en 1804.

 

Pierre-Yves Landouer, novembre 1998, Grand Palais