Les Théâtres parisiens V

Soumis par pierre-yves le mer, 07/04/2010 - 22:42

Toujours plus de théâtres

L'entre deux guerres est une période florissante pour les théâtres, qui se concentrent  toujours autour de leur quartier traditionnel (les Grands Boulevards des 2èmes et 10 ème arrondissements). L'architecte Bluysen réalise deux théâtres :

  • théâtre Daunou (7, rue Daunou, 2ème arr.), construit en 1921, à l'emplacement d'un hôtel particulier,
  • théâtre de la Michodière (4bis, rue de la Michodière, 2ème arr.), construit en 1923.
  • théâtre des Nouveautés (24, bd Poissonnière, 10ème arr.), construit en 1921.

L'architecte Siclis signe les théâtres suivants : 

  • théâtre des Mathurins (36, rue des Mathurins, 8ème arrondissement), créé en 1898, mais refait en 1928.
  • théâtre Saint-Georges (1926-29), installé dans le hall de la rédaction du journal Comoedia. C'est un petit théâtre peu décoré, mais fonctionnel.
  • théâtre Pigalle (8, rue Pigalle), construit en 1929 (architecte Siclis) sur l'emplacement où vécut Scribe, mais démoli en 1947. Son décor est dicté par des matériaux de grande série, économique, alliant rambardes en métal, aux lignes rigoureuses et simples, et enseignes lumineuses, dignes de Broadway. On est loin des dorures et des velours du XIXe siècle.

Non loin de Pigalle, au 42, rue Fontaine (9ème arrondissement), la salle des Menus Plaisirs (actuels Comédie de Paris) est construite, en 1929 (architecte : Pingusson), dans un style dépouillé. En 1924 est inauguré le théâtre de la Madeleine (19, rue de Surène, 8ème arr.) ; arch.  Imandt ; ce sera le théâtre de Sacha Guitry de 1929 à 1944.
Les grandes Expositions sont autant d'occasions d'innover :
- l'exposition des Arts décoratifs investit l'Esplanade des Invalides en 1925, et se dote d'un théâtre (A. et G. Peret), qui sera détruit à la fin de l'exposition.
- l'Exposition universelle de 1937 laisse un théâtre sur la colline de Chaillot. Le palais de Chaillot, d'une précédente Expo est démoli pour faire la place au nouveau Palais du Trocadéro (architectes : Jean et Edouard Niermanns). Les lignes simples (déjà vues au Théâtre des Champs-Elysées) deviennent gigantesques, à la romaine. Dans les sous-sols s'installe le Théâtre national populaire en 1939. Il a une salle de 2600 places réparties en amphithéâtre et un balcon. En 1967, une seconde salle lui est adjointe, occupant le foyer : la salle Firmin Gémier, de 420 places. La salle principale est entièrement refaite dans l'esprit post-68, à partir de 1972 par Fabre, Perrottet, Raffaëlli et Napo : maintenant on ne cache plus la machinerie.
Dimensions du Théâtre de Chaillot : la salle principale (Armand Villars) mesure 32 m de large, 30 m de profondeur, et la salle Firmin Gémier mesure 15 m sur 18 m. La grande salle est modulable (disposition frontale, ou en U englobant une scène centrale). Sa jauge maximale est de 1400 places. La scène fait 33 m de large, 17 m de profondeur, et  18 m de hauteur (sous gril).

 

D'une colline à l'autre, ou d'Ouest en Est : le théâtre de la Colline est l'ancien Théâtre de l'Est parisien, fondé en 1963, dans un cinéma de 1000 places. Il s'inscrit dans une politique de dynamisation de quartier (le quartier proche de la place Gambetta dans le 20 ème arrondissement). En 1971, il devient Théâtre national (donc éligible aux subventions) et en 1973, la salle est entièrement refaite par les Mousquetaires des salles de Théâtres, qui ont œuvré au théâtre de la Ville, au Théâtre de Bobigny et à celui de Chaillot (Fabre, Perrottet, Cattani, Raffaëlli). On prend les mêmes et on recommence (!). Cette fois les matériaux nouveaux, verre et support de métal, créent la transparence.
Dimensions du Théâtre de la Colline : la salle mesure 22,5 m de large, 21,5 m de profondeur. Elle a un amphithéâtre pentu, contenant 770 places. La scène fait 30m de large, 26 m de profondeur, et 19,5 m de hauteur (sous gril). Elle est précédée par un proscenium de 4,5 m de largeur. Les dessous ont 4 m de profondeur.
Les théâtres du XIXe et du XXe siècle sortent du centre historique délimité par les boulevards. Ils investissent des quartiers issus d'anciens villages, comme Montparnasse, nouveau lieu de plaisir et de dévergondage :
- La Comédie italienne, créée en 1980, rue de la Gaieté (14ème arrondissement), occupe un ancien poste de police (!), au cœur du quartier "chaud" de Montparnasse. En 1991, elle s'agrandit en récupérant un ancien magasin de lingerie érotique (!).
Dimensions de la Comédie italienne : même avec l'élargissement de 1991, la salle est très étroite (5,8 m de large, 9 m de profondeur). Elle a une jauge de 81 places. La scène fait 45 m².
- D'un mont à l'autre, de Montparnasse à Montmartre : le Théâtre des Abbesses a été créé au cœur du quartier de Montmartre (31 rue des Abbesses, 18ème arrondissement). Il donne sur une cour intérieure accessible par un porche voûté. Il s'inscrit dans un programme de réhabilitation d'habitat (architecte : Vandenhove, 1996). Le modernisme l'a touché : point d'or ni de velours rouge. Les sièges sont noirs, et les murs plaqués de bois clair.
Dimensions du Théâtre des Abbesses : la salle fait 16 m de large, 14 m de profondeur. Elle a un balcon et une jauge de 420 places. La scène est un trapèze de 11 et 13 m de largeur, 13 m de profondeur, précédée par un proscenium de 3,2 m de largeur. La hauteur sous gril est de 11,3 m, et le dessous a 3 m de profondeur.
- Le quartier Saint-Sulpice est doté d'un théâtre : le Théâtre du Vieux Colombier (21 rue du Vieux Colombier, 6ème arrondissement), a été créé par Jacques Copeau en 1913 (il s'appelait alors "Théâtre de l'Athénée" ; architecte : Jourdain). Laissé à l'abandon en 1973, il a été entièrement rénové en 1993 (architectes : Marast et Köhn). Comme bien d'autres théâtres, il est enclavé au milieu des immeubles, et occupe la place d'une éventuelle cour intérieure. Aussi, son accès est-il étroit (long corridor, comme au Lido !). Les décors sont livrés en traversant la salle, en relevant les sièges avec un moyen hydraulique. La scène est particulière car il n'y a pas de cadre de scène, afin de rapprocher le spectateur du spectacle. La machinerie est hydraulique.
Dimensions du Théâtre du Vieux Colombier : la salle fait 10 m de large, 19 m de profondeur. Elle a 330 sièges, tous de front. La scène mesure 10 m de largeur, 9 m de profondeur, précédée par un proscenium de 8 m de largeur. La hauteur sous gril est de 12 m, et le dessous a 3 m de profondeur (comme au Théâtre des Abbesses).
Le cinéma a parfois relayé le théâtre (Théâtre Déjazet, de 1939 à 1977 ; Cirque d'Hiver, de 1907 à 1918 ; Folies dramatiques, depuis 1915 ; théâtre du Vaudeville, depuis 1927 ; l'Atelier, de 1914 à 1922 ; l'Edouard VII, 1931 à 1940 ; théâtre du Bataclan, de 1932 à 1969 ; le Château d'eau de 1931 à 1936 ; l'Eldorado, reconstruit en cinéma en 1933, réutilisé par le théâtre en 1971 ; Fantaisies Saint-Martin, à partir de 1936 ;  théâtre de Grenelle), mais il est arrivé qu'on transforme une salle de cinéma en théâtre : c'est le cas du Théâtre de l'Est parisien évoqué plus haut et du théâtre Edouard VII (1916), et c'est aussi l'aventure du Lido. Celui-ci est créé en 1928 au 78, avenue des Champs-Elysées. Il migre en 1977, au 116 avenue des Champs-Elysées, dans un ancien cinéma, le Normandy, construit en 1937. Le cinéma, comme maintenant le Lido, dispose d'un étroit accès à l'avenue prestigieuse (ce qui en fait la valeur). Au bout de ce long corridor, la salle se développe au cœur des immeubles.
Dimensions du Lido : la salle est un demi-cercle de 34 m de diamètre. Son plafond est à 5,5 m seulement. 1188 personnes peuvent prendre place. La scène fait 23 m de large, 8,3 m de profondeur, 18,5 m de hauteur, 10m de dessous. Elle se prolonge au milieu de la salle avec un proscenium de 11,3 m x 8,7 m. Cette vaste scène permet toutes les fantaisies : n'y-a-t-on pas monté une piscine vitrée pour un spectacle à la mode du Grand bleu ?

Nouveaux lieux, nouveaux styles :
Les théâtres les plus récents recherchent des formules inédites (spectacle délocalisé à la Cartoucherie de Vincennes), dans des lieux insolites (anciens abattoirs, anciens entrepôts militaires, par exemple). Ce sont :

  • la péniche du théâtre Métamorphosis, ancrée au quai de la Tournelle en été (dimensions de la péniche : 39,5 m de long ; gabarit étroit adapté aux canaux ; salle de 100 places).
  • la tente devenue structure en dur de Sylvia Montfort, qui a pérégriné autour des anciens abattoirs de Vaugirard, avant de se fixer en 1992, dans le square George Brassens.
    Dimensions du Théâtre Sylvia Montfort : la salle s'inscrit dans un cercle de 25 m diamètre. Elle est frontale. Sa jauge est de  456 places. Il n'y a pas de cage de scène. La scène est en excroissance par rapport à la salle sous tente. Elle fait 19 m de large, 15,7 m de profondeur, et 6 m de hauteur.
    la Cartoucherie de Vincennes, sauvée de la démolition et reconvertie en théâtre à scènes multiples, en 1970. Cinq salles se répartissent dans deux halles. Trois salles se suivent au bout d'une nef métallique de 200 mètres de long sur 30 de large. Mais elles ont toutes une configuration frontale. La faible hauteur des fermes métalliques, de 4,5 à 5,5 m, limite les mouvements vers le haut, et justifie l'absence de cadre de scène.
  • le Théâtre Zingaro (fondé en 1984 à Nantes), d'abord itinérant à la manière des forains, se fixe au fort d'Aubervilliers (encore un terrain militaire délaissé et réhabilité), en 1989. Une écurie adjacente sert aux spectacles équestres.
    Dimensions du théâtre Zingaro : la salle s'inscrit dans un carré de 30 m de côté, aux angles coupés. La piste fait 19,5 m de diamètre.
  • le marché désaffecté de la Villette (19ème arrondissement) est transformé en un vaste pôle culturel où les spectacles ont une grande place et de nombreuses salles à leur disposition. Tous les styles s'y côtoient, le théâtre au Théâtre Paris-Villette (ancienne bourse aux bestiaux, JL Chassart, trois salles de 30, 70 et 210 places), la musique classique à la Cité de la musique (Ch de Portzamparc, deux salles de 230 et 800 à 1200 places) et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse (250 places, 374 places et 100 à 400 places), les concerts de jazz, notamment, dans la salle Boris Vian de la grande halle (300 places), enfin le music-hall au Zénith (1984, Ph Chaix et JP Morel, 6400 places). En été, des concerts se répandent dans le parc, dans un cadre de verdure informel.

Les salles de concert influencent les salles de théâtre :
Les salles de musique, qui privilégient l'acoustique, influencent les salles de théâtre :

  • salle Cortot, 78, rue Cardinet, 17ème arrondissement ; architecte : Auguste et Gustave Perret (1929). Le style est très dépouillé.
  • Dimensions de la salle Cortot : la salle mesure 26 m de large et 9 m de profondeur. La scène est ovale, au milieu du grand côté. Il y a 1 balcon et une jauge de 492 places.

  • salle Gaveau,
  • salle Pleyel (252 rue du faubourg Saint-Honoré, 17ème arrondissement). La salle Pleyel a été créée par le facteur de piano du même nom, en 1830, à une autre adresse, puis
  • déplacée en 1839, et refaite en 1927, sur le site actuel (architectes : Auburtin, Granet, Mathon). Elle sert à l'étude du piano, à la représentation de récitals, à l'exposition de pianos et à la vente. Un immeuble de 9 étages (en retrait) occupe le coté rue. La salle a été rénovée en 1981 (Guillaumont) et en 1995 (de Portzamparc).

Dimensions de la salle Pleyel : la salle mesure 27 m de large, 51 m de profondeur. Elle a 2 balcons et une jauge de 2300 places. La scène fait 21 m de large et 16,5 m de profondeur. Deux autres salles accueillent jusqu'à 110 spectateurs (salle Debussy) et 470 spectateurs (salle Chopin).

 

Les Instituts culturels ont créé des salles de spectacles polyvalentes :
la Maison de la Culture du Japon dispose d'une salle en sous-sol (Architectes : Amstrong et Yamanaka, 1997).
Dimensions de la salle : 17 m de large, 30 m de profondeur. Elle a une disposition frontale et 1 galerie périphérique, pour une jauge de 400 places. La hauteur sous gril est de 8 m.

Les sociétés de radio et de télévision
Elles s'équipent de studios d'enregistrement (son et image pour la télévision). Le spectacle ou l'audition sont démultipliés grâce à la diffusion. Spectateurs et auditeurs sont là, comme des figurants, pour créer l'ambiance et pour restituer l'acoustique des salles de spectacle.
Canal+ a un studio de 750 m², sous 8 m de hauteur, contenant 300 personnes.

 

Pierre-Yves Landouer