Paris : musée de la Poste

Soumis par pierre-yves le mer, 07/04/2010 - 00:18

A l'heure d'internet, du mail, de la carte de vœux électronique, et des messageries FedEx and co, qui tuent la Poste, que reste-t-il de cette belle institution qui révolutionna, en son temps, la vie économique et sociale ? L'histoire le dira. Ce soir, nous nous retrouvons au pied de l'ascenseur qui nous hissa au Musée de la Poste, situé dans un immeuble anodin, face à Montparnasse.

Les prémices d'un service de messagerie sont repérées dans l'Empire romain, avec une vocation officielle, et en Chine, au XIIIe siècle. Dans l'Europe moyenâgeuse, les universitaires sont les premiers à se doter d'un réseau reliant les étudiants entre eux ou avec leur famille. Les abbayes, dont on connaît la puissance économique et politique, communiquent à l'aide de rouleaux (rotula). C'est pratique à transporter, ou à cacher. La réponse est cousue au bas du rouleau. Les déplacements se font à pied, comme un pèlerinage. Louis XI est considéré comme le fondateur de la Poste aux chevaux : la France est maillée et des relais de Poste sont établis tous les 2 lieux (soit 8 km). Le réseau s'étend et en 1632, on compte 5000 km de voies sillonnées par les "courriers" au galop. Le "courrier", c'est le cavalier, et le document qu'il transporte est une "dépêche". Le courrier met 5 jours pour rallier Lyon, depuis Paris, au galop (en changeant de cheval aux relais de poste). Il hausse des bottes en bois, pour se protéger en cas de chute du cheval. Au pas, il mettrait le double de temps. Plus tard (en 1793) viendra l'idée de transporter des passagers et des bagages, histoire de rentabiliser le service ("la malle-poste"). Cette notion de rentabilité n'échappe pas à l'administration colbertiste : la Poste est déléguée à des fermiers (comme le service de l'eau ou la collecte de la gabelle).
Et si vous vouliez envoyer un mot doux à votre ami(e), en ville : comment faire ? Les plus fortunés mandataient leurs domestiques. Il fallut attendre 1760 pour qu'apparaisse la "petite poste", accessible à tous. La Révolution fusionne la petite et la grande poste (l'urbaine et l'interurbaine). A la même époque, l'information s'accélère grâce au télégraphe des frères Chappe. Le Ministère de l'Intérieur (dont dépend ce qui n'est pas encore le Ministère des "Postes et Télégraphes") trace un axe de communication entre Paris et Marseille : tous les 10 km, sur des points hauts, sont construites des stations gardées, telles de phares, par des "stationnaires". Aujourd'hui, on y implanterait des relais de téléphonie mobile. Mais en ce temps là, les messages codés sont notés, lettre par lettre, par observation des figures que font les bras articulés, puis, les mêmes figures sont répétées pour être lues par la station en aval. Un message descend de Paris à Lyon, en 2 heures ! D'officiel, le télégraphe passe au public en 1851 : c'est le monde financier et économique qui s'en sert. Les airs transmettent ainsi des messages visuels, avant de transmettre des ondes : c'est un certain Morse, un Américain, qui en a l'idée. La portée est bien plus grande et surtout omnidirectionnelle. On peut même franchir les mers. Toujours pour un usage officiel. Le public se contente du courrier : mais le service reste cher, jusqu'à ce qu'un ministre prenne la décision de diviser le tarif par 5 (en 1849). Simultanément, les premiers timbres d'affranchissement sont inventés. Auparavant, le réceptionnaire devait s'acquitter du droit de timbre. Il pouvait aussi refuser et on raconte qu'un couple d'amoureux correspondait par voie de lettres qu'ils refusaient de réceptionner : le jeune homme mettait un signe codé sur l'enveloppe (vide), pour préciser le lieu ou l'heure du rendez-vous. Son amie se gardait bien de payer le courrier, et le renvoyait en mettant un gri-gri, ... la réponse. Avec le timbre payé par l'expéditeur, la poste s'assure d'avantage de recettes. Le timbre est petit et laid (on choisit Cérès, déesse de l'agriculture, et pas Hermès, le patron des messagers), avant de devenir cet objet de collection et de convoitise qui survit aux cartes téléphoniques et aux "pins" éphémères.
En 1870, Paris, assiégé, communique grâce au télégraphe, aux pigeons voyageurs et aux montgolfières (pour le grand plaisir des collectionneurs d'affranchissements rares). La photographie permet de microficher les documents ce qui démultiplie la capacité de transport des braves pigeons.
1873 voit débarquer d'Angleterre le chemin de fer, sonnant le glas du transport à cheval. En plus, le train peut voyager la nuit, ce qui fait gagner du temps encore.
Encore plus rapide, l'avion, même à 150 km/h à ses débuts, raccourcit les délais : il est d'abord dédié au courrier (avec surtaxe "poste aérienne"), avant de pouvoir transporter des personnes. C'est l'époque glorieuse des Mermoz, Saint-Ex, et autres Toulousains d'adoption. Les fusées n'emporteront pas nos courriers outremer, car déjà le téléphone et internet absorbent l'essentiel des échanges d'information et de documents. Mais cela remplace-t-il vraiment la belle carte postale de vos vacances, ou le mot doux, où s'épanchent les talents improvisés, et qu'on relit avec émotion ? Sur cette grave question, que je me posais, la très sage assemblée annuelle est passée à des sujets plus concrets.

Pierre-Yves Landouer, le 25 février 2000