Saint-Malo, Cancale

Soumis par pierre-yves le mer, 21/04/2010 - 22:08

Cette contrée de l'Est est la "Marche" de la Bretagne : Vitré, Fougères, Chateaubriand ont été fortifiées pour se protéger de l'ennemi français, ... jusqu'en 1532, date de l'incorporation de la Bretagne au royaume de France.

Anne de Bretagne épouse Charles VII, puis Louis XII, à la mort de son mari. François Ier épouse sa file Claude de France qui apporte définitivement la Bretagne au Royaume de France. 1532 : la capitale est Nantes, puis Rennes. Le Parlement s'y réunit.

Saint-Malo : 50.000 habitants depuis que sont réunies les trois villes de Saint-Malo (la ville fortifiée), Saint-Servan et Paramé.
La ville fortifiée abrite entre 1.800 et 2.000 habitants, alors qu'en 1800, elle contenait 20.000 habitants. En été, la population est multipliée par 6.

La ville était défendue côté mer contre l'envahisseur anglais, même si, historiquement, ses habitants et ceux de la Bretagne en général sont souvent originaires de la Grande-Bretagne.

Les origines :
Quand les Anglais arrivent en Angleterre, les habitants, qui sont les Celtes émigrent par vague en Armorique, qui bientôt sera nommée "petite Bretagne" : cela se passe au Vème siècle. Des moines catholiques sont de la traversée : ils convertissent les habitants de Bretagne. Ils fondent les évêchés, de Dol, Saint-Brieuc, Treguier, Saint Pol de Léon, Quimper, Vannes et Saint-Malo, la tournée de 7 évêchés devenant un pèlerinage au Moyen-Age. Un certain Mac Law s'installe sur ce qui deviendra la cité et l'évêché d'Alet. Mais ce site est difficile à défendre, et jean de Châtillon fonde Saint-Malo (nom dérivé de Mac Law), en 1153.
La terminologie évoque souvent ces origines religieuses : Lann = monastère ; Tré = la partie administrative de la paroisse ; Plou = la paroisse.

Vauban construit un dispositif avancé, avec le fort de la Conché, sur un îlot, le Petit Bé, accessible à marée basse, l'île du Grand-Bé, où Chateaubriand a été enterré.
Le port est à la fois pour la plaisance, la pêche, même si les terre-neuvas qui firent la fortune de la ville, sont rares, et le commerce : importation de bois, de granit (du Brésil et d'Afrique du Sud), et exportation d'engrais.
Bombardée par les Américains en 1944, pour déloger les Allemands, la ville est détruite en quasi-totalité. Il faut 2 ans pour déblayer les ruines. Elle est reconstruite à l'identique, avec des rues étroites où le vent s'engouffre moins facilement que dans les larges avenues que l'on connaît au Havre ou à Brest. Le maire, Guy Lachambre obtient des aides pour la reconstruction. On rouvre les carrières de granit Chausey.

La ville a donné naissance à nombre d'hommes devenus célèbres :
Duguay-Trouin, Surcouf, Chateaubriand, Cartier, Maupertuis, Broussais, de la Bourdonnais. De la Bourdonnais a fondé la Compagnie des Indes. D'autres navigateurs sont allés au Canada, aux Malouine (ou Falk lands), en Inde.

Duguay-Trouin s'illustre sur les mers : il prend Rio de Janeiro aux Portugais et réclame une rançon au roi de France. Le Roi le récompense en lui accordant le titre d'Amiral.

Surcouf, un siècle plus tard, se rend célèbre pour avoir attaqué le navire amiral anglais Kent. Pour encourager ses hommes, il leur promet 2 h de "part du diable", 2 h pendant lesquels sils pourront piler tout ce qu'ils trouvent.  Il leur offre aussi de bonnes rations de rhum, pour inhiber la timidité.  Il est corsaire pendant 13 ans, avant de passer au commerce plus lucratif comme armateur. Il accumule une fortune colossale. Une anecdote : dans un café, il remarque de soldats prussiens qui tiennent des propos offensant sur l'Empereur Napoléon destitué. Surcouf, qui n'est plus tout jeune, les provoque en duel et les passe au fil de l'épée. Il épargne l'officier dont il coupe le poigner, pour garder, dit-il un témoin.

Jacques Cartier était mauvais élève. Pour le caser, ses parents le mettent comme mousse sur un bateau de pêche. Il gravit les échelons de la hiérarchie. François Ier le charge de découvrir un accès maritime pour Cathay (la Chine) par le Nord. Ayant pratiqué les expéditions de pêche en région de Terre-Neuve, il lui suffit de pousser plus à l'ouest et c'est ainsi qu'il met pied à terre dans l'actuel Québec, à défaut d'atteindre la Chine. Il ramène à son bord deux enfants du chef de tribu indien qui ne cessent de répéter "canat", c'est à dire village ou maison dans leur langue, parce qu'ils veulent revenir au village. Les marins pensent que c'est le nom de leur pays, qu'ils baptisent "Canada". En 1535, la seconde expédition est armée avec 3 navires. Il met 60 jours pour traverser l'Atlantique. Deux tiers de l'équipage meurt du scorbut. Il fonde Montréal sur le site d'un village nommé Och laya.

Chateaubriand est né le 5 septembre 1768, chez des amis de ses parents. Il y a eu une forte tempête qui a endommagé leur maison. Aussi, ses parents ont-ils demandé refuge à un ami. Le nouveau-né va chez une nourrice, à Plancoët, qui le place sous la protection de Sainte-Anne. Il est vêtu de bleu et de blanc !
Sa devise fut : "mon sang a teinté la bannière de France", en souvenir d'un ancêtre qui sauva Louis IX dans une bataille et prit une blessure à la place du roi.

On accède à la ville fortifiée en traversant un pont, car autrefois la ville était isolée et la porte fermée la nuit. Il était interdit de rôder hors les murs la nuit, et des chiens étaient lâchés. Un restaurateur, sans doute en état d'ébriété, fut attaqué en 1722. On se souvient de cet incident à la rue du Gras-mollet : il se fit mordre aux mollets.
La visite débute avec le château situé à l'entrée Nord de la ville fortifiée. Le donjon a été commencé en 1424 par Jean IV, duc de Bretagne. Il n'a pour but de défendre la ville des ennemis externes, amis de dominer précisément la ville de velléités d'indépendance ! Il faut rappeler que Saint-Malo a été fondée par un évêque et n'a pas de châtelain comme patron. Le pape essaye d'empêcher la construction du château, en vain. Il se venge en excommuniant tous les gens qui ont participé à sa construction
Vers 1475, on double l'épaisseur des murs pour faire face aux progrès des canons, qui désormais projettent des boulets en métal.
Du 6 juin 1944 au 14 août, Saint-malo est bombardé sans relâche par les Américains qui veulent extirper les Allemands. Les murs épais de 7 m sauvent le château qui ne s'effondre pas, alors que le reste de la ville est ravagé.

Quand les Malouins apprennent que le roi Henri IV, l'hérétique, veut venir à Saint-Malo, ils se conjurent contre cet événement : ils prennent d'assaut le château.
En novembre 1590, le gouverneur est tué. Naît une république que l'Espagne, l'Italie notamment s'empressent de reconnaître.
1594 : Henri IV se convertit au catholicisme. On somme les Malouins de rejoindre la Couronne. Contraints et forcés, ils réintègrent le royaume de France. Henri IV leur accorde des privilèges (exemption d'impôts). Privilège que la ville partage avec Nice ou Belfort, en souvenir de leur indépendance perdue : hisser le drapeau de la ville plus haut que celui de la France. La Duchesse Anne fait construire la tour aux frais des Malouins. Les créneaux d'artillerie tournés vers la ville sont supprimés.
On a face à nous la porte Saint-Thomas. Une porte la referme au XVème siècle, passé 22h. On n'entre ni ne sort de la ville. Peu de temps avant, on sonnait le clairon pour signaler à tous qu'ils devaient rentrer. Puis des chiens étaient lâchés sur la grève. Malheur aux retardataires, comme

A la guerre de 1944, les remparts résistent aux bombardements alors que la ville est détruite à 88%. Les remparts ont été conçus par Vauban avec son élève Siméon-Garandeau.
Le fort national, face à nous maintenant, est en forme d'étoile. Il surveille la baie. Le second fort, la Conché,  rappelle le fort Boyard, des Charentes. C'est une merveille d'architecture de Vauban. Il fut érigé sur un caillou submergé à marée haute : une enceinte en bois fut construite pour isoler le chantier des flots. Il faut se rappeler qu'à Saint-Malo, le marnage atteint 13,5 m.
Enfin, le dispositif se termine avec l'île de Cézembre. Au VIIIème siècle, la mer monte et isole l'îlot.
Sur l'île du grand Bé, Chateaubriand est enterré : l'écrivain a demandé au maire de lui obtenir cette concession sur un terrain militaire. En échange, il use de ses relations pou obtenir des aides pour la construction des écluses du port. Sa mort  en 1848 donné lieu à une grande cérémonie rue du Bac. Puis sa dépouille est emmenée à Saint-Mo où 3.000 militaires, 200 prêtres et 10.000 spectateurs l'accompagnent. Sa tombe est muette, sans l'inscription de son nom.
Nous faisons un circuit en vile, remarquant les hautes maisons de 5 étages (nécessaires quand la ville abritait 10 fois d'habitants que de nos jours), et construites en belle pierre. Certes, elles ont été reconstruites après 1945, mais elles étaient déjà en pierre : en 1611, un incendie part de chez un apothicaire. La ville brûle aux 3/4. A partir de cette date, toits de chaume et construction en bois sont interdits

Plus loin, se dresse l'austère façade de granit de l'école de la Marine marchande, créée par Colbert. Une ancienne église, transformée en grenier à la Révolution, est utilisée actuellement comme salle d'audience du palais de Justice. Les hôtels des armateurs recèlent de caves secrètes pour les marchandises non déclarées aux Douanes.
Rue du chat qui danse : en 1693, des Anglais envoient une flottille pour attaquer la ville de Saint-Malo. Les habitants prennent d'abord cette armada pour une flottille qu'ils attendent, de Brest, avec du ravitaillement. Heureusement, la mer est agitée ce qui déjoue le tir des Anglais. Ils ont amené un navire chargé d'explosif, avec l'intention de l'envoyer contre le dépôt de munitions. Il s'échoue sur un îlot et explose. Seul un chant est atteint. Les Malouins envoient à l'ennemi la dépouille du pauvre animal.
La cathédrale est dotée d'une flèche reconstruite en 1972. La précédente s'était écroulée lors des bombardements.  Le terrain est en pente : le chœur est plus bas que la nef. Lors de la reconstruction, on découvre un squelette qui est attribué à Jacques Cartier, car il s'agit d'un homme de petite taille, à la mâchoire déformée (à cause du scorbut). Il a été enterré dans la chaux vive, car il était malade de la peste.
Quiconque avait commis un crime pouvait obtenir la protection de l'évêque (droit de "minihi"). Etait exclu le crime de lèse-majesté. Ce droit était accordé à Saint-Malo et Tréguier.

A l'ouest, Dinard, est créé par des Américains au début du XXème siècle. Le krach de 1929 met fin au développement de la ville qui en reprend qu'avec les congés payés de 1936.

Les maisons y sont de schiste, sauf les encadrements de fenêtres, en granit. Le toit est couvert de chaume, à l'époque ancienne. On remarque 2 cheminées, une à chaque pignon, à l'est et à l'ouest, car cela permet de faire le feu sous le vent. Aujourd'hui, le toit est couvert d'ardoise, mais on applique souvent la tradition des 2 cheminées, ainsi que l'orientation est-ouest.
La malouinière : maison de campagne des terre-neuvas, comme on les appelle, ces navigateurs au long cours dont certains s'enrichissent de la pêche à la morue à Terre-Neuve.
Entre Saint-Malo et Cancale, on passe non loin de la maison qu'habita Colette. Elle y écrivit "Le blé en herbe".

Côte d'émeraude : ce nom est lié à la couleur de l'eau, translucide sur un sable blanc. Mais il y a une légende qui raconte qu'une princesse portait un bijou d'émeraude qui envoyait des reflets tellement puissants que les marins le prenaient pour le phare et venaient s'échouer sur les récifs. Un jour, la princesse découvrit parmi les victimes un enfant. Elle réalisa le danger de son petit jeu et jeta son bijou à la mer.

Anse du Guesclin : c'est l'occasion d'évoquer ce personnage breton d'origine (natif de Dinan), mais peu apprécié : il s'est mis du côté des français, avec Charles de Blois, pour lutter contre les Anglais, qui, à cette époque étaient les alliés des Bretons. C'était un homme petit et de physique ingrat.
Il est mort en 1380, à l'âge de 60 ans, d'une dysenterie, pendant le siège de Châteauneuf-de-Randon près de  Puy-en-Velay. Après plusieurs assauts terribles, la place avait promis de se rendre. Mais dans l'intervalle, le Connétable fut emporté par la maladie et, à l'expiration de la trêve, le gouverneur vint symboliquement déposer les clefs de la ville sur son cercueil. La bataille se passait en juillet, mois très chaud. Son corps fut vite atteint de décomposition. Aussi, on sépara les viscères pour les enterrer à Clermont-Ferrand. Plus loin, son corps continua de se décomposer : on le bouillit de manière à séparer les chairs qu'on enterra. Arrivé au bord de la Loire, des émissaires du roi ordonnent que son corps soit enterré près des rois de France, à Saint-Denis. On y envoie son squelette, et seul son cœur ira à Saint-Malo. Il a donc 4 sépultures alors que les rois de France en ont 3 au plus.

Pointe du Grouin : réserve ornithologique. Nous nous y arrêtons quelque temps malgré le temps gris. Il faut reconnaître que même sous le ciel gris, la mer prend des reflets intéressants, argentés, et le ciel envoie par moment une lueur qui fait croire au soleil. Les rochers de granit, les ailes des mouettes et autres goélands s'illuminent et les fleurs aux pétales bleus ressortent, accrochées au moindre humus.

Cancale : François Ier en fait une ville. Elle devint la capitale de l'huître. Petite histoire de l'huître: ce mollusque était connu des Romains. On la prélevait en draguant les fonds marins. Cela suffisait, enfin presque. On se rendit compte que la ressource ne serait pas éternelle. Au XVIIIème siècle, la fameuse règle des mois en "r" (ne pas consommer d'huître les mois de mai à août) permit de limiter les prélèvements en période de reproduction. Et il est vrai que l'huître est alors laiteuse et d'un goût bien particulier. On fait croire qu'elle n'est pas comestible, ce qui est faux. On distingue la plate, qui est originaire de Bretagne, et se caractérise par une coquille fine, donc fragile, et la creuse, plus épaisse et plus solide. Celle-là est importe. Aujourd'hui on pratique l'ostréiculture, c'est à dire la "culture des huîtres". Les naissins sont importés de Marennes ou des Charente. Là ils poussent sur des tuyaux ou des tuiles. L'huître va croître en Bretagne pendant 4 ans, dans des poches, posés sur des tables (à hauteur d'homme). On profite quand la mer se retire pour récolter les huîtres.

Saint Ber : là on pratique la mytiliculture, culture des moules. Sur bouchot. On plante des pieux dans le sable. Et on enroule des cordes qui portent les moules. Il faut 2 ans de maturation. Les moules filtrent plus de plancton que les huîtres. C'est pourquoi on les élève à part. Il fait ensuite les stocker dans un bassin où elles régurgitent la vase.

Les moulins : tout le long de la côte. Certains sont transformés en habitation. Il paraît qu'ils laissent le vent s'écouler autour de telle sorte qu'on ne l'entend plus ! La Résistance communiquait avec les ailes des moulins. Aussi les Allemands ont-ils démonté les pales.

L'élevage porcin: 55% de la production française. Pour le reste : choux-fleur, lait, artichaut, pomme de terre, ail, oignon, petit pois, carotte, poireau, maïs, blé.
Pommeau : mélange de calvados, de marc de jus de pomme. On le boit en apéritif. Il titre 17°

Pierre-Yves Landouer, avril 2002

suite : le Mont Saint-Michel