de 1180 à 1220 (le "gothique maîtrisé") et de 1220 à 1350 (le "gothique maniériste")

Soumis par pierre-yves le jeu, 11/03/2010 - 00:25

L'architecture évolue en accentuant l'élan vertical et la pénétration de la lumière. On peut distinguer deux étapes, de 1180 à 1220 environ (le "gothique maîtrisé") et de 1220 à 1350 (le "gothique maniériste"), la transition étant due à Pierre de Montreuil (rehaussement de Saint-Denis, achèvement de ND de Paris) :

  1. les doubles collatéraux (Paris, Bourges, le Mans) sont abandonnés au profit de l’élargissement du vaisseau central (12 m à Paris, 13 m à Bourges, contre 15 m à Amiens, 15,6 m à Metz et 16 m à Chartres, qui est la plus large). Les édifices sont de plus en plus vastes : 5.500 m² à Paris (la cathédrale contient 9.000 fidèles, dont  1.500 dans les tribunes), 6.200 m² à Bourges, contre 6.600 m² à Reims, 7.700 m² à Amiens ; 5.000 m² à Cologne, 10.000 m² à Séville, 11.500 m² à Milan (et 15.000 m² à Saint-Pierre de Rome).
  2. la verticalité de la nef est accentuée par l'étroitesse (12 à 16 m), rapportée à la hauteur (32,5 à Paris, à 46,8 m à Beauvais). La perspective depuis le narthex (entrée de la nef) révèle les lignes verticales des colonnes engagées qui jaillissent jusqu'aux arcades des voûtes. Les voûtes ogivales participent à cet élancement (davantage que des voûtes en plein cintre).
  3. la verticalité commande l'architecture extérieure. Des gâbles et des pinacles se superposent pour masquer les lignes horizontales, ou faire contrepoids sur les tours extérieures des arcs-boutants. La cathédrale s'apparente à la Cité céleste de Jérusalem, encombrée de tours et de flèches. Une balustrade court autour du toit pour en cacher la naissance.
  4. de solides arcs-boutants extérieurs sont nécessaires pour reprendre la poussée des voûtes, au dessus du triforium. Les tours-culées de Chartres montent à 30 m de hauteur, presqu'aussi haut que la voûte (36 m) et 50 m à Beauvais (voûtes à 46,8 m) ! Les arcs-boutants remplissent leur rôle technique mais aussi esthétique. Ils rompent avec la conception étagée du monde roman.
  5. au premier gothique (avant 1180), les fenêtres hautes sont encore petites et descendent seulement à la tombée des voûtes, comme dans le style roman. À la fin du XIIe siècle (1180-1220), elles sont géminées (doubles), plus hautes, et elles descendent plus bas, faisant pénétrer davantage de lumière sauf à Bourges, qui fait dissidence (les baies hautes, très réduites, restent comprises dans les lunettes des voûtes ; le collatéral est éclairé par de larges baies hautes) et dans le Midi, où on réduit les ouvertures pour s'abriter de la chaleur estivale (il n'y a qu'à regarder la cathédrale d'Albi). Les fenêtres hautes ne cessent de s'allonger en hauteur :

     

    Chartres

    vers 1200

     7 m

    Amiens

    1220

    12 m

    Metz

    1220

    19 m

    chœur de Beauvais

    après 1225

    18 m

  6. A Paris, les fenêtres géminées sont agrandies en 1220, vers le bas (en supprimant un niveau de rosaces). Leur forme (deux fenêtres en lancettes, surmontée d'un oculus à remplage lobé) se généralise, sauf à Saint-Denis, où Pierre de Montreuil recherche la lumière en groupant les fenêtres par 4, surmontées de 3 roses sommitales (1231-45). À Chartres, les lancettes sont disjointes, mais à Reims, les écoinçons sont vitrés et les deux fenêtres géminées fusionnent avec l'oculus, pour ne faire qu'un mur de verre, sous une arcade ogivale. Même sans cette innovation, la surface des vitraux de Chartres atteint 2600 m² (équivalent à 51m sur 51m). Reims innove avec les fenêtres-chassis, dont les remplages (réseaux de sculpture) sont renforcées par des armatures de fer, les barbotières. Cela permet plus de liberté pour concevoir les réseaux de baies qui couvrent 3480 m² au total. Exceptionnellement, les vitraux éclairent l'étage du triforium, à Troyes (surface vitrée totale : 1500 m²) et Metz (surface 6500 m²).
  7. la rosace apparaît à Laon (bras nord du transept) et à la collégiale de Mantes en 1180. Elle se généralise aux transepts et aux façades. Elle prend son origine dans l'oculus qui orne la façade romane. Lors des travaux de reprise du chœur de Saint-Denis (1231), Pierre de Montreuil innove en agrandissant le transept, dont les murs sont percés d’immenses roses. Il agrémente aussi les transepts de ND de Paris de rosaces de 13 m de diamètre. La rosace d'Amiens de même taille est dépassée par celle de Strasbourg, de 14 m de diamètre.
       plus les fenêtres s'agrandissent, moins le besoin de clarté s'impose et les vitraux en profitent pour s'enrichir de couleurs éventuellement sombres. Les vitraux de Chartres (verriers de Saint-Denis et de Paris) et ceux de Bourges marient le bleu profond et le rouge sang comme des reflets de pierres précieuses. Après 1250, des teintes claires font leur apparition ; les verts et jaunes clairs élargissent le palette. La composition se réduit à une juxtaposition de scènes, plus faciles à lire, mais de moindre tension dramatique. On reste cependant fidèle à la tradition romane du médaillon.
  8. en façade, la hauteur des tours augmente : 69 m à Paris, 80 m à Bayeux, Reims et Sens, 75 et 82 m à Rouen, 85 m à Bordeaux, 106 et 115 à Chartres, 142 m à Strasbourg, 161 m à Ulm (la plus haute). Cologne sera achevée au XIXe siècle, suivant les plans d'origine, avec 157 m de hauteur.