Albrecht Dürer

Soumis par pierre-yves le mar, 06/04/2010 - 13:30

Albrecht Dürer est né en 1471, à Nuremberg.

Son père est orfèvre et lui apprend, dès l'âge de 15 ans et durant 3 ans, le métier de ciseleur sur métaux. Il effectue son tour de compagnon de 1490 à 1494, ce qui le mène à Colmar, où il rencontre le maître Schongauer (celui-ci meurt en 1492), à Bâle et en Italie. Il rencontre également le sculpteur Migel Barer, qui influencera sa technique. En 1494, il est en Italie, berceau des Arts depuis l'antiquité, et notamment à Venise, avant de s'en retourner à Nuremberg. En Italie, il découvre la gravure, qui est au dessin ce que l'imprimerie est au texte, c'est à dire un moyen de reproduction et de vulgarisation. A Mantoue, Mantegna révolutionne la représentation des choses en édictant les règles de la perspective (règles qu'il applique magistralement pour représenter le Christ mort et allongé, vu de devant ses pieds, tableau à la Pinacothèque de Milan). A Florence, Botticelli et Ollaiola s'expriment par la gravure.

Il faut distinguer deux types de gravures ( 1) :

  • la xylographie ou gravure sur bois. C'est un procédé en relief (l'encre se dépose sur les parties en relief). Le trait reproduit est large.
  • la gravure sur cuivre, procédé en creux (l'encre est retenue dans le creux, réalisé au burin, à la pointe-sèche, à l'eau-forte, ou à l'aquatinte). Le trait est fin, ce qui permet de représenter des dégradés (succession de traits fins plus ou moins proches), et notamment des drapés, des reliefs et des ombres (traits croisés pour les zones les plus sombres).

Quels sont les thèmes abordés ?

Les thèmes sont de trois genres :
¨  les scènes religieuses, pour édifier les foules, dans le prolongement des tableaux et des retables d'églises.
¨  les scènes de genre, dramatiques ou burlesques, pour illustrer des légendes ou des récits (ancêtres des bandes dessinées).
¨  les portraits.

Dürer aborde effectivement ces trois thèmes, avec une prédominance du premier au début de sa carrière, puis du second et enfin du dernier, vers la fin de sa vie.

Les gravures sont tirées sur feuillet libre (comme un "poster") ou sur feuillet relié dans un incunable (ouvrage des débuts de l'imprimerie, antérieur à 1500).

Dürer est célèbre pour ses gravures d'un style très personnel (précis et expressif), mais il ne faut pas oublier qu'il fut également un peintre, notamment de portraits officiels.

 

1. La période religieuse :

La grande œuvre de Dürer est l'Apocalypse, qu'il édite en allemand et en latin (1496-97). Son graphisme est fougueux et bouillonnant. Les gravures se lisent dans le contexte de la symbolique religieuse médiévale, empreinte parfois d'allusions aux théories des alchimistes. Par exemple, la Vierge est au centre d'un jardin de toutes parts fermé, parce que le jardin fermé symbolise la virginité. Ou bien, la Vierge est associée à la lune, symbole de l'imprévisible, parce qu'elle protège les hommes de l'imprévision.
Saint Jérôme est un saint contemplatif. Aussi est-il représenté assis, en train de songer. Saint Eustache était un chasseur, qui vit un jour apparaître une croix ou du moins un signe alors qu'il poursuivait un cerf et il se convertit. On le montre ébloui par la vision d'une croix qui apparaît entre les bois d'un cerf.

 

2. le courant humaniste :

La période 1500-1515 est une ère d'unification de l'Allemagne. Maximilien Ier Habsbourg règne sur 400 états. Les voies de communication s'améliorent et les idées se propagent plus vite et plus loin. La gravure et l'imprimerie sont des vecteurs de diffusion des idées, et notamment de la Réforme. Dürer fréquente les imprimeurs, dont beaucoup adhèrent à la Réforme (à moins que ce ne soit l'inverse, c'est à dire que les nouveaux protestants se font imprimeurs pour mieux diffuser leurs idées). Mais ceux-ci rejettent les images des saints, ce qui n'arrange pas le graveur. Dürer n'adhère donc pas à ces idées et se rapproche davantage du milieu humaniste, qui place l'homme au centre des préoccupations (au détriment de la religiosité).

De 1505 à 1506, Dürer voyage en Italie, où il rencontre Léonard de Vinci. De retour, son style évolue, avec moins de personnages (mieux mis en valeur) et un souci du détail (fleurs, faune) et du cadre (paysages, perspectives).

 

3. Au service du pouvoir :

Maximilien Ier Habsbourg a épousé Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire (vaincu par Louis XI), en 1477. Elle apporte les Pays-Bas et le Tyrol. Leur fils, Philippe le Beau, épouse Jeanne la Folle qui hérite de ses parents, Ferdinand et Isabelle, de l'Espagne (Aragon et Castille). C'est ainsi que naît l'immense empire qui commence à encercler la France et bientôt le monde au point que jamais ses terres ne voient le soleil se coucher. Si le Saint-Empire romain germanique s'empare de l'Italie, la France sera prise en étau. François Ier attaque le premier. On ne sait si c'est la France qui colonise l'Italie ou l'inverse. La Renaissance se propage en France et évite l'Allemagne. Dürer n'en profitera pas.

Maximilien Ier Habsbourg crée l'Université et s'entoure d'artistes pour flatter son prestige. Dürer, qui travaille déjà pour l'Electeur de Saxe, Frédéric le Sage, se met à son service, en 1515, non sans avoir négocié une rente qu'il fera confirmer par Charles Quint à la mort de l'empereur (1519). Pour cela, il n'hésitera pas à se rendre aux Pays-Bas (où il étudie les portraits humanistes).

Il meurt, à Nuremberg, en 1528.

     

1- Au 19ème siècle, la lithographie (inventée en 1796), procédé d'impression à plat à l'aide d'une pierre, permettra de reproduire aussi bien un trait (dessiné au crayon gras) ou un aplat monochrome (enduit d'encre grasse.  Avant le report sur papier, on mouille la pierre encrée, pour que l'encre grasse, qu'on appliquera pour l'impression suivante, se concentre sur le dessin. On réitère l'opération, couleur par couleur (une pierre différente par couleur).

Pierre-Yves Landouer, juin 1996, Petit Palais.