Pierre-Paul Prud'hon

Soumis par pierre-yves le mer, 07/04/2010 - 00:22

Exposition au Grand Palais

Pierre-Paul Prud'hon est né en 1758, à Cluny. Il est le 10è enfant de la famille et son père est tailleur de pierre. À 16 ans, il entre à l'école de François Devosge, école de peinture gratuite, à Dijon. Le jeune Prud'hon illustre des ouvrages du baron Joursanvault. Il a 20 ans quand il doit épouser sa voisine, parce qu'elle attend un enfant de lui. Ce sera un mariage sans passion, ce qui ne les empêchera pas de faire 5 enfants. Il dira de sa femme qu'elle est couverte de "piquants". Et à peine marié, il la quitte pour Paris, pour 3 ans ! A Paris, il remporte le prix de Rome, qui lui permet de parfaire son art à Rome (dans ce qui n'est pas encore la villa Médicis). Son concurrent et candidat favori est un certain Drouet (que l'histoire a oublié). Celui-ci est l'élève du grand David, qui fait la pluie et le beau temps dans ce domaine. A cette époque, pour remporter le prix de Rome, il faut produire une œuvre antiquisante, précisément dans le genre de David (Les Troyens, les Horaces, etc...). L'élève est tellement fier de son épreuve du concours, qu'il quitte la salle avec son épreuve, avant la fin de la session, pour la montrer à son maître. L'ennui, c'est qu'il n'a pas le droit de sortir avec son œuvre. Il est disqualifié, et c'est Prud'hon qui gagne...

Prud'hon vit donc à Rome 4 ans et rentre à Paris en 1788. C'est un bien mauvais moment. Les commanditaires qui étaient les ecclésiastiques et les nobles sont passés à la guillotine ou en exil. Que faire pour un jeune peintre avec charge de famille ?

Pour vivre, Prud'hon fait des gravures et des portraits en médaillons, qui sont plus faciles à vendre. Quelques portraits en grandeur nature s'apparentent à l'art anglais (Gainsborough). Sous le Directoire, il décore des hôtels particuliers pour quelques bourgeois enrichis (notamment les fournisseurs des Armées). Les sujets sont apolitiques, même s'ils cachent un message : l'Amour, la Philosophie et les Arts sont plus précieux que la Richesse. Il peint également un grand tableau à sujet historique, dans le genre de David : Andromaque, veuve d'Hector de Troie, tient son fils, Astianax. Pyrrhus, l'ennemi grec, la retient prisonnière, mais il est amoureux d'elle.

Chaque année, à la fête de Saint-Louis, le salon du Louvre expose les peintres contemporains. De là viendra l'expression "le Salon" pour désigner une exposition de peinture. Les tableaux remplissent les murs jusqu'au plafond. Prud'hon postule pour exposer au salon de 1793. Mais il travaille lentement et n'arrive pas à temps. Pas de chance. Ensuite, il veut se présenter à l'Académie, toujours pour se faire connaître et reconnaître. Manque de chance, l'Académie est supprimée. 

La Révolution relance les concours : au concours de l'An II (1794), Prud'hon propose une esquisse sur le thème (encore apolitique) de la Sagesse et la Vérité descendant sur terre pour dissiper les brumes de l'ignorance. Son thème est retenu, mais l'administration traîne jusqu'en 1799, pour lui allouer un atelier, à la Sorbonne, et lui avancer les fonds.

Sa lenteur lui joue bien des tours :

L'impératrice Joséphine lui passe commande du tableau "l'Amour séduit l'innocence" (d'après une esquisse). Mais le peintre est une de fois de plus trop lent à finaliser son œuvre. L'Impératrice est répudiée avant d'avoir pris possession du tableau qui reste sur les bras du peintre. Le portrait de Joséphine est également achevé trop tard, en 1809. La jeune femme pose avec une allure alanguie, déjà soucieuse de son avenir. Elle porte un châle anglais qu'elle affectionne. Napoléon la répudie parce qu'elle ne lui donne pas d'héritier, et parce qu'il recherche une alliance avec une grande famille royale, dans la tradition monarchique.

Pour reprendre son travail, Prud'hon utilise des liants qui durcissent lentement. Malheureusement, ils noircissent avec le temps, et aujourd'hui, près de deux siècles après leur réalisation, les tableaux sont craquelés. Heureusement, les visages semblent échapper à cette malédiction.

Madame Prud'hon ne s'accorde toujours pas avec son mari, qui finit par la faire interner. Elégante façon de s'en débarrasser, pour la remplacer .... Constance Meyer, élève de Greuze, devient l'assistance de Prud'hon. Elle l'aide à finir ses tableaux et peut même en signer certains, sous le contrôle du maître, contrairement aux pratiques, qui laissent un peintre renommé signer des tableaux dont il se contente de donner l'esquisse et de superviser la réalisation. Constance entre même dans la famille, vit avec Prud'hon et s'occupe des enfants, ce qui ne se passe sans heurts avec l'aîné. 1821 est une mauvaise année pour le peintre : Constance lui demande s'il l'épouserait au cas où sa femme viendrait à décéder. Spontanément, le peintre répond qu'il a été marié une fois et que ce la suffit. Désespérée, Constance se suicide. La même année, Prud'hon est chassé, avec les autres peintres, de la Sorbonne.

Il meurt en 1823, âgé de 65 ans.

Il laisse de rares grands tableaux aux sujets académiques (historiques, ou allégoriques) et de multiples portraits (gravures, médaillons). Il est le peintre romantique par excellence, qui se détache des graves événements de son époque, pour faire vibrer les âmes et les sentiments enfouis. Il est relativement isolé dans son style, à l'époque de Greuze, David et Ingres.

Pierre-Yves Landouer, novembre 1997