Angkor, au Grand Palais

Soumis par pierre-yves le mer, 21/04/2010 - 22:48

Pour voir les images et les descriptions des principaux temples : http://www.voyages.lespassions.fr/angkor.php

 

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La région d’Angkor a été influencée par la religion et l’art indiens, sans avoir eu à subir d’invasion d’origine indienne.

L’iconographie repose sur les deux grandes religions ou courants de pensée que sont :

  • le bouddhisme, lui-même séparé en deux formes, le theravada (monastique) et le Grand Véhicule, celui-ci intégrant le culte des boddhisattvas (saints hommes qui ont atteint le seuil de libération, le nirvana, mais y ont renoncé pour faire profiter les hommes de leur sagesse).
  • l’hindouisme, qui n’est pas, comme on le croit souvent, une religion de dieux, mais une forme de monothéisme, où le dieu unique prend diverses formes, incarnant plusieurs aspects.

Au Cambodge, il n’y pas eu UNE religion d’État. Les souverains ont choisi l’une ou l’autre religion.
On considère, dans un esprit cartésien, 3 phases de développement de l’architecture :

  • avant l’an  802,
  • de 802 à 1431,
  • et au de là de 1431.

Les palais étaient construits en bois, et n’ont pas résisté à l’usure du temps ou des querelles de pouvoir. La pierre et la brique sont réservées aux temples, grâce à quoi, beaucoup sont encore visibles.

1 - Première période : l’influence indienne est très marquée.

Plusieurs oeuvres illustrent cette période :

a) linteau en arc surbaissé, grès rose. Les trois aspects du dieu sont représentés en médaillon : Shiva, Brahma et Vishnu. Shiva est lié au temps qui passe ; il est symbolisé par le lingua. Vishnu est souvent anthropomorphe ; il est lié à l’espace ; il tient une roue, une conque, une massue et une motte de terre. Il est vêtu de la tenue classique de l’époque, le sampot, qui est une bande de tissu nouée à la taille.

b) Bas reliefs :

Dans le cycle cosmique, il y a une dégradation morale et spirituelle progressive. Les dieux descendent sur terre sous forme d’avatars (‘descente’), pour y porter remède. Krishna est le 9è avatar. Des bas-reliefs racontent des épisodes de sa vie. Comme on sait, Krishna est né dans la région de Madura, au Sud de Delhi (sur la route d’Agra). A cette époque, à Madura, on adore le dieu Indra, dieu des orages, dont dépend la culture. Krishna veut détourner les habitants de ce culte. Indra se venge en envoyant un orage terrible, qui inonde les champs et fait grossir les fleuves emportant tout sur leur passage (il est vrai que les orages de cette région peuvent ravages les berges ou détruire les ponts). Krishna va protéger les habitants. Il déracine une montagne, le Mongobardona pour abriter les hommes. La sculpture montre Krishna avec des traits fins de jeune homme, et une coiffure à trois chignons.

c) Ganesh : c’est le dieu de la réussite (dans la vie spirituelle et religieuse). Au Cambodge, il est devenu le dieu de la magie. On le trouve dans les maisons, mais ce n’est pas pour autant un dieu du foyer.

2 - Période Hari-hara : une sculpture montre un dieu bicéphale. Un côté est Vishnu, l’autre Shiva, ce qui illustre bien la capacité du dieu à changer de forme. Shiva est reconnaissable à son petit chignon, et à son foulard en peau de tigre.

3- Art khmer : influencé par les Môns de Thaïlande et du Champa (Vietnam). Une différence notable est la position des mains du bouddha. D’habitude, il fait un seul geste significatif (mudra). A cette période, les statues lui attribuent deux gestes des mains, donc deux ‘intentions’.

802 : Jayavarman II libère le Cambodge de la tutelle (qu’on suppose, de nos jours, indonésienne). Il s’installe dans la région d’Angkor, mais à 15 km au Sud-Est du site actuel (le site s’appelle Kûlen). Il impose sa suzeraineté sur la région. La sculpture a un style particulier : les bras, levés vers le ciel, sont reliés par un étai de pierre. La tiare de Vishnu est une mitre cylindrique, la figure est simplifiée (hiératique). Yasovarman Ier crée le premier temple de forme massive ou pyramidale (‘montagne’). Ses deux fils lui succèdent mais sont supplantés, en 928, par un parent, qui prend le titre Jayavarman IV.
Style Preah Ko : 850-900. Style plus rigoureux. La tiare est de forme pyramidale.
928-944 : le pouvoir se déplace à Koh Ker. Le style est plus doux et expressif. Le fils du roi est évincé par son cousin germain à qui il a demandé appui.
944 : le nouveau roi déplace la capitale à Angkor (qui restera la capitale jusqu’en 1431). Mais il est tué à la guerre. L’héritier est jeune. Il se fait aider par le chapelain Yajnavara (le titre de chapelain est héréditaire, comme celui du roi). L’exposition montre des bas-reliefs illustrant le Mahabarhata. Cette épopée indienne raconte la guerre des deux clans, les Pandava, d’un côté, et les amis de Krishna, de l’autre. Un autre bas-relief représente Brahma, allongé sur le serpent Ananta. Le dieu resta ainsi pendant la période intermédiaire entre deux cycles cosmiques. A son réveil, un lotus jaillit de son nombril, d’où sortit Vishnu, ce qui annonça une nouvelle ère. L’autre grande épopée indienne est le Ramayana : Rama, avatar de Vishnu, s’allie aux singes pour récupérer sa femme Sita, qui a été enlevée par son rival. Mais, en Asie du Sud-Est, le Ramayana est peu utilisé.
Après l’an 1000 : style dit de Baphuon. Le bouddhisme prend le dessus de l’hindouisme, et avec ce changement, l’art statuaire s’adoucit. Les vêtements sont raffinés, avec des plis par exemple ; les coiffures sont élaborées. Trois statues montrent le Bouddha enveloppé par un serpent à sept têtes. Cela rappelle l’épisode légendaire de Bouddha, sauvé des eaux, par le serpent Mucilinda, à Bodgaya (le lieu de l’inspiration du saint homme). Les Khmers vouent au serpent un culte particulier, d’abord parce que le reptile sait imposer sa loi dans les champs, ensuite, parce que la mythologie fait remonter les origines des Khmers à un serpent. Le serpent symbolise aussi l’arc-en-ciel, et constitue un pont entre les hommes et le ciel.
1100-1200 : c’est l’époque d’Angkor-Vat. Les sculpteurs produisent une grande quantité de pièces, au détriment de la qualité. Les vêtements sont simplifiés et les plis juste incisés. Autre évolution : l’introduction des animaux, lion (bien qu’il semble qu’il n’y en avait pas au Cambodge), serpent naja raja, l’oiseau Garuda (l’ennemi des serpents). On en trouve en allées d’honneur le long de ‘chaussées des géants’. 
1200-1300 : période d’alternance religieuse.
Jayavarman VII (mort vers 1206) est bouddhiste. On lui doit le très fameux temple ‘montagne’ de Bayon. Des statues accompagnent le pèlerin, le long des marches d’escalier et aux angles. Les statues ont les yeux fermés, comme si elles méditaient profondément. Seuls les visages des statues sont soignés. Son successeur est hindouiste. Le successeur de celui-ci adopte à nouveau le bouddhisme, mais le plus traditionnel (theravada).
Mais les Thaïs, venus de l’Ouest, envahissent le Cambodge. Angkor est mise à sac en 1431. C’est la fin d’un royaume et d’une belle aventure architecturale. L’envahisseur n’a cure des temples et ne se les approprie même pas, ce qui les aurait sauvés de l’abandon. Les Khmers sont soit assimilés, soit partir vers les montagnes de l’Est. Les nouveaux temples seront en bois, et donc peu durables. On ne se donnera pas la peine de les entretenir. Lorsqu’un temple est trop abîmé, on en construit un nouveau à côté. Ainsi vont les choses, mais les merveilles d’Angkor subsistent.

Pierre-Yves Landouer, avril 1997