Monet, le cycle des Nymphéas

Soumis par pierre-yves le mar, 06/04/2010 - 23:26

à l'Orangerie des Tuileries

Les nymphéas : ce sont des nénuphars. Claude Monet en fait pousser dans le bassin de sa maison de Giverny, qu'il loue d'abord, à partir de 1896, avant de l'acheter. Il a alors 56 ans. C'est un peintre reconnu et riche. Il meurt en 1926, laissant 300 toiles réalisées dans cette période (mais il faudrait ajouter autant de tableaux qu'il a détruit dans une période de déprime, de 1909 à 1913).
A Giverny, il installe un grand atelier pour reprendre ses œuvres peintes en plein air. Durant ces années, Monet continue de voyager, en Italie, en Bretagne, en Normandie. Le courant impressionniste vit ses dernières années. Ses caractéristiques, qui en firent la gloire, sont :

  • la peinture en plein air, sur le vif, capable de restituer une impression fugace de lumière.
  • la peinture par petites touches, de couleurs complémentaires.

Monet exploite cette idée à fond, à travers des séries (il dit "ses gammes") : série de la gare Saint-Lazare, série de la cathédrale de Rouen, série des meules, et la plus grande série : les nymphéas. Il commence dès 1897. Il l'expose pour la première fois en 1908, chez Durand-Ruel.
Monet innove : il abandonne la composition spatiale au profit d'une vision de couleurs, où les reflets démultiplient l'espace, et rompent avec les traditionnelles perspectives. Certains y ont vu une influence des estampes japonaises, alors à la mode. La taille des tableaux s'agrandit (2m sur 2). La touche s'élargit, le coup de pinceau devient plus approximatif. Cela traduit la baisse de la vison du peintre : en 1920, il découvre qu'il est atteint de la cataracte et sa vue ne cessera de décliner. Il voit bien, dit son médecin, à un mètre, ce qui suffit pour peindre, mais sa vue se trouble à 4-5 mètres, qui est la distance nécessaire pour prendre du recul, et sa vue est encore moins fidèle pour observer le sujet. Ses tableaux perdent en précision, ce qu'ils gagnent en abstraction. Certains le désignent comme un précurseur des abstraits. Picasso est déjà célèbre (il s'installe en 1904, à 23 ans, sur la butte Montmartre, au "Bateau Lavoir"), mais les deux peintres ne se connaissent pas. 
Cette période n'est pas calme pour autant. En 1909, Monet se remet en cause. Il détruit le tiers de ses œuvres, qu'il juge imparfaites. En 1911, sa femme Alice meurt. En 1912, son fils aîné, Jean, est atteint d'une maladie qui l'emporte en 1914, et puis il y a la guerre. Monet se retire du monde et vit mal cette période. En 1913, il refait surface, et se remet à produire. Il veut aider la nation à sa façon et ce sera le don d'une œuvre exceptionnelle : le panoramique des nymphéas. La toile mesure 4 m de haut. En tout, Monet réalisera 80 m de toile. Le don est officialisé par la visite de Clémenceau, fin 1918. Suivent des années d'ébauches, de labeur pénible, de discussions sur le lieu de l'exposition, de clashs, de caprices, de patience réciproque, du peintre et du conservateur désigné pour la négociation. Le lieu retenu est une salle circulaire dans le jardin du Musée Rodin. Puis, l'œuvre évolue vers une ellipse, de plus grande longueur, et finalement ce seront deux ellipses. La salle est désormais projetée aux Tuileries : le musée de l'Orangerie. L'œuvre prend place juste après la mort de Monet (1926). Son fils Michel, seul héritier, se charge de poursuivre la donation. Les toiles sont directement collées au mur (et n'ont pas été détachées pour rejoindre le musée d'Orsay). Elles ne sont pas vernies. Des raccords ont été faits sur le site. De près, on est surpris par la grossièreté du trait, et par les couleurs ternes, qui s'animent et se composent admirablement dès qu'on prend un peu de recul. L'œuvre représente l'étang de Giverny, comme si le spectateur était sur une barque, et observait le coucher de soleil dans une direction, et le début de la nuit, à l'opposé. Michel vivra sur l'héritage, vendant des œuvres quand c'est nécessaire, et offrant d'autres au lycée Claude Monet, par exemple, ou au Musée Marmottan (du nom du fondateur de la Samaritaine).

Pierre-Yves Landouer, le 18 juin 1999

nymphéas