James Ensor

Soumis par pierre-yves le mar, 06/04/2010 - 12:53

La Belgique a connu 3 grands peintres à la fin du siècle dernier, André Delvaux, René Magritte et J. Ensor.

James Ensor est né à Ostende en 1860. Son père est anglais (d'où son nom) et sa mère, flamande. Il meurt en 1949, ce qui signifie qu'au long de sa vie, il a connu de nombreux courants artistiques, l'impressionnisme, le cubisme, le fauvisme, l'art américain. Pour autant, son œuvre ne se rattache à aucun courant. Même s'il fonde un petit groupe avant-gardiste, appelé le "groupe des XX" (comme "XX"e siècle), en 1884, il ne transmet pas d'influence particulière sur son époque et n'a pas d'élève en direct. Son groupe se fixe comme objectif la vulgarisation de la peinture : il expose Degas ou Gauguin.
Son père tient un magasin de bibelots près de la plage. Le jeune James vit au milieu des coquillages et des haveneaux, un monde inanimé que son imagination a sans doute tenté de faire vivre, car sa peinture s'inspirera de ces décors inanimés, qui semblent pourtant composer une famille de personnages. Il est très admiratif de son père et il supporte mal de le voir, un jour, saoul, dans un café. Il ne se remet pas facilement du décès de son père et vivra avec une mère possessive qui lui ferme le monde.
A 20 ans il fait preuve d'une grande maîtrise dans la peinture. Il peint avec ses doigts ! Son style s'apparente éventuellement à celui des impressionnistes, car il apporte des touches (larges), et n'hésite pas à planter son chevalet dehors (bords de mer, estacades). Il expose ses œuvres à 21 ans.
Son œuvre est le reflet d'une vie refermée et d'envies inassouvies. Elle est à son image : solitaire et énigmatique. James vit auprès de sa mère. Il ne se marie pas, et on ne lui connaît pas d'aventure féminine. Il ne peint pas de nu : sa mère le lui interdisait. Comme un vieux garçon, James Ensor reproduit minutieusement les intérieurs bourgeois dans lesquels il vit, avec le culte de l'objet fétiche à la bonne place. Il peint plusieurs fois sa mère et une amie assises, à contre-jour. Faute de rencontres humaines, il anime les objets et leur confère une âme, ou une expression. Les coquillages, issus de la boutique familiale, côtoient des pots de fleurs. Les masques sourient, comme des personnages. Désabusé, James masque ses personnages, car il juge que la vie est un bal ou une mascarade. Il pousse la déraison jusqu'à ne conserver que les masques. Très vite ses masques sont remplacés par des têtes de mort, et ses personnages par des squelettes. Ici, des squelettes se chauffent autour d'un feu ! Sa peinture devient morbide, à la façon Frida Khalo (la Mexicaine invalide).
Bizarrement, sa première période sans squelettes (qu'on peut dater de 1879 à 1885) est plus sombre que la seconde (1885-1895), même si ces deux périodes se chevauchent : il réalise des tableaux sombres (des intérieurs) au delà de 1885 et, inversement, sa palette s'éclaircit déjà, ponctuellement, avant cette date. Il dessine également des esquisses, et fait des gravures, comme Jacques Callot et Goya, tous deux, graveurs des horreurs de la guerre et des misères de l'humanité.
Vers 1890, il a un coup de barre. Ce n'est plus la couleur qui domine. Il introduit la ligne qui sautille au gré de ses sautes d'humeur.
Des collectionneurs avisés achètent son œuvre de telle sorte qu'aujourd'hui, une bonne partie de son œuvre est privée (pour cette exposition, il a fallu cinq ans de recherches et de tractations). Un mécène d'Anvers finance une salle au musée d'Anvers qui lui est consacrée. Ensor devient célèbre vers 1905, à 45 ans. En 1929, il est élevé à la baronnie.
Mais sur la seconde partie de sa carrière, son génie s'essouffle et il reprend ses tableaux antérieurs, rajoute des objets, des masques, ou un chapeau à fleurs sur son autoportrait. Ses cauchemars et ses bouffonneries finissent par fatiguer le public : il est rejeté, et devient plus solitaire encore. Il s'en prend aux critiques d'art, aux juges, aux médecins, aux gendarmes, au clergé, etc. qu'il ridiculise dans ses tableaux caricaturaux.  

Pierre-Yves Landouer, novembre 1999, Musée des beaux-arts de Bruxelles