Paris : Les premières fois - suite

Soumis par pierre-yves le mar, 18/01/2011 - 00:00

L'eau

  • de l'eau en abondance : ce sont les foires qui reçoivent les premières fontaines. En 1182, Philippe Auguste fait installer une fontaine à la foire Saint-Laurent (ancienne foire Saint-Ladre ou Saint-Lazare, fondée en 1110 sous Louis VI, au carrefour actuel du Bd Magenta et de la rue du Fg Saint-Denis, près de l'actuelle gare de l'Est). La foire des Halles reçoit ensuite les eaux que le roi achète au prieuré Saint-Lazare.
  • l'eau courante n'arrive dans les logements qu'en 1781, à titre expérimental. Un siècle plus tard, en 1884, un recensement révèle que 2/3 des logements sont raccordés.
  • l'eau chaude est disponible grâce au chauffe bain inventé en 1871.
  • l'eau pour les pompiers : place Baudoyer, une borne d'incendie est mise à l'essai en 1738. La première pompe à incendie date de 1699. L'organisation du corps des sapeurs pompiers date de 1722. On les appelle les "gardes des pompes". Ils ont leur siège rue Mazarine. Au XIXe siècle, d'anciens couvents désaffectés depuis la Révolution sont transformés en casernes de pompiers ou de gardes (ex : couvent des Célestins).
  • l'eau puisée : le premier puits artésien est creusé aux abattoirs de Grenelle, en 1833. L'eau est atteinte en 1841.
  • les bains publics : bien connus des Romains (les Thermes), les bains sont remis au goût du jour, au XIIe siècle, par les Croisés, qui ont redécouvert les hammams en Orient. Mais ils sont réservés à la noblesse et à la bourgeoisie (Sully convoqué par Henri IV aurait répondu : "désolé, mais je sors de mon bain"). Les gens du peuple n'ont que la Seine pour se laver ... et on se lave peu. On se parfume quand on a les moyens. Le XVIIe siècle est un tournant dans le souci d'hygiène : les plus aisés prennent des bains chauds, chez eux, ou des bains froids dans le premier bateau amarré sur la Seine, en 1680. Pour des bains publics chauffés ("étuves"), il faut attendre le début du XIXe siècle. Ils sont encore chers. La Ville ouvre des bains municipaux, où l'on peut se laver et nager, en 1884 (piscine du 31, rue de Château-Landon), en 1891 (Rouvet), 1896 (Hébert), 1897 (Ledru-Rollin).

L'éducation et la culture

  • collège : l'éducation relevait du clergé, quand la lecture et l'écriture se cantonnaient aux textes religieux. La redécouverte du monde antique et du monde arabe, suite aux Croisades, ouvre l'éducation au profane. Le premier collège accueille 18 écoliers dans une salle de l'Hôtel-Dieu, sous le doctorat d'un certain Josse de Londres. On nomme l'établissement le "collège des dix-huit".
  • université : Philippe Auguste créé la première université (1208), en accord avec le clergé. Le "lycée" est un concept encore plus démocratique, qui n'apparaît qu'en 1781. Pilâtre de Rozier (le même qui a pris les airs en ballon) fonde ce qu'il nomme le "musée". Ce nom ne lui survit pas, et en 1785, à sa mort, on préfère "lycée".
  • la culture s'ouvre au public : les livres sont d'abord le privilège des Grands et du clergé. La "librairie" royale est fondée en 1368, au Louvre (à l'abri des attaques). François Ier l'enrichit des prises italiennes et la transfère à Fontainebleau, en 1522. Un siècle plus tard, en 1622, la mode grecque inspire le terme "bibliothèque". Louis XV achète l'Hôtel de Nevers, rue de Richelieu, pour y développer, en 1724, la "bibliothèque royale", ancêtre de la bibliothèque nationale. Mais elle est toujours fermée au public.
  • la première bibliothèque ouverte au publique date de 1763 : le seigneur de Lamoignon cède, à sa mort, sa librairie à la Ville de Paris, qui l'ouvre au public. Les premiers édifices dédiés à la bibliothèque sont les oeuvres de Labrouste : bibliothèque Sainte-Geneviève (1850) et bibliothèque nationale (1831-78).
  • l'ancêtre des musées est le "cabinet" du Roi, créé par François Ier. Louis XIV le transfère au Louvre en 1681. Le "musée" du Louvre est ouvert au public à la Révolution (1783), en même temps que le Muséum d'histoire naturelle. Le premier édifice dédié à un musée est la galerie de minéralogie (1831-42).
  • les animaux exotiques sont collectionnés par les rois, depuis Philippe VI (ménagerie à l'emplacement de l'actuelle place du Palais-Royal, en 1333). Louis XIV y consacre une partie du parc de Versailles. La Révolution saisit les biens royaux et déménage les animaux au jardin des Plantes, en 1794.

    Les spectacles

    • théâtre et opéra : le premier théâtre construit à cet effet exclusif est à l'Hôtel de Bourgogne, à l'emplacement de l'actuel n°23 de la rue Etienne Marcel, en 1548. C'est la Confrérie de la Passion qui s'y installe, ainsi nommée parce qu'elle interprétait d'abord des passions sur les parvis d'églises, ou dans une salle de l'Hôpital de la Trinité (1402).
    • pour l'opéra, un certain Pierre Perrin obtient en 1671 le privilège de créer une académie de musique présentant des spectacles d'opéra. Pour cela, il loue une salle de jeu de paume, car ces salles sont assez vastes pour accueillir des spectateurs : il y a 114 salles de Paume en 1657. La salle du jeu de paume de la Bouteille (act. 42, rue Mazarine) est utilisée un an seulement de mars 1671 à mars 1672. Elle contient 1200 à 1400 spectateurs (debout), mais étant tout en longueur, elle n'est pas bien adaptée.
    • en 1786, l'écuyer anglais Philip Astley construit un chapiteau en bois, l'Amphithéâtre anglais, fg du Temple, puis le cède, en 1792, à Franconi, qui le renomme le cirque olympique : première utilisation du terme "cirque". En 1802, il se déplace au fond du jardin des Capucines. On y accède par le n° 251 de la rue Saint-Honoré. Le bâtiment est transformé en magasin, le Grand Bazar en 1825 (ancêtre des "grands magasins des boulevards).
    • le "panorama" vient aussi d'Angleterre, en 1800 (au passage dit des Panoramas).
    • l'éclairage des salles de spectacle est aux bougies. La fée électricité est consacrée à l'opéra Garnier en 1878.
    • le cinéma est rendu possible avec l'électricité : la première projection payante est organisée dans le grand Café, à l'angle du boulevard des Capucines et de la rue Scribe (1895). Georges Méliès organise des séances de projection au théâtre de prestidigitation Robert-Houdin, 8 bd des Italiens, à partir de 1896. La première salle construite à cet usage date de 1906 (27 bd des Italiens), à la place d'un ancien café, suivi par un second au n°42, boulevard Bonne Nouvelle (1907). Le cinéma Gaumont du boulevard des Italiens profite de l'invention des éclairages aux néons pour attirer l'attention (1910).
    • les grands hôtels : pour les voyageurs fortunés et les hommes d'affaires, le premier est l'Hôtel du Louvre.

    Les transports

    Jusqu'à une ordonnance de Napoléon Ier, on circule librement sur la voie : Napoléon instaure la circulation à droite, qu'il généralise à l'Europe continentale. Une loi renforce cette obligation en 1859. Les transports sont affaire de riches, propriétaires d'attelages. Les transports se démocratisent avec les omnibus hippomobiles : la première ligne est ouverte en 1828, entre Bastille et Madeleine, par les fameux grands boulevards. C'est en 1828 (Compagnie des Dames blanches). Napoléon III accorde le monopole à la Compagnie des Omnibus (1854). Les transports s'améliorent au début du XXe siècle, grâce au moteur qui remplace le cheval. L'autobus est une contraction d'"omnibus" (hippomobile) et "automobile" (véhicule à moteur).
    Les premiers autobus sont à impériale comme les omnibus. On arrête l'omnibus d'un simple geste du bras. Le premier arrêt d'omnibus est une borne installée à l'angle des boulevards des Italiens et Haussmann (Richelieu-Drouot), en 1911. Le trafic est dense sur les boulevards : en 1850, on comptabilise 10.000 véhicules aux heures de pointe. La section entre le carrefour de Richelieu-Drouot et la rue du fbg Poissonnière est la plus chargée. C'est le secteur des cafés (café Frascatti ouvert en 1796 à l'angle de la rue Montmartre et du boulevard), de l'Opéra (12, rue Le Peletier, jusqu'en 1873), des théâtres, des artistes (pas moins de 14 galeries rue Laffite, fin du XIXe siècle), des journaux (Le Journal illustré et le Petit Journal, au dessus du Frascatti, Le Figaro puis Le Matin, face au Rex actuel et La Petite Bourse bd des Italiens).
    Pour réglementer la circulation, on installe en 1912 le premier signal ("kiosque-signal"), ancêtre des feux, au carrefour du Bd Montmartre et de la rue Montmartre : au centre de la voie, un édicule métallique comporte un cube à son sommet, derrière une vitre de phare. Deux faces opposées sont blanches, et les deux autres faces sont rouges. Le cube est tourné par un gendarme d'un quart de tour à chaque cycle. Les panneaux rouges arrêtent la circulation, quand les panneaux blancs l'ouvrent. Le premier feu de signalisation apparaît à l'angle de la rue de Rivoli et du boulevard Sébastopol en 1921. Trop de circulation ? on l'enterre. Premier tunnel routier à la Porte Dauphine, en 1931 ; premier parking souterrain en 1964 à l'Esplanade des Invalides. Dans les immeubles, les écuries sont transformées en garages. Le concept du parking enterré naît en 1907, mais il s'inspire des écuries enterrées d'un immeuble de l'Avenue Foch (1864). Quant au métro, il apparaît à Paris en 1900, bien après Londres (1863). La première station profonde à bénéficier d'un ascenseur est celle du Père-Lachaise (1909).

    L'habitat

    Les Parisiens habitent dans des maisons, à répartition verticale. Il n'y a pas de confort (chauffage, eau courante, eau chaude, toilettes, éclairage électrique ....). Henri II tente d'interdire les constructions anarchiques en alignement. A partir d'un édit de 1607, il faut un avis du grand Voyer avant d'entreprendre une édification. La largeur des voies n'est réglementée qu'en 1783.
    La hauteur des immeubles (qui influe sur la pénétration de la lumière dans la rue) est définie en 1667, sous Louis XIV. Le permis de construire, plus restrictif, date de 1852. La disposition évolue avec le concept de l'immeuble "collectif", l'escalier commun, et les appartements aux étages (premier immeuble : Montholon, au carrefour Buci, 1770). L'eau monte aux étages et le compteur d'eau est montré à l'Exposition Universelle de 1855 (jusque là, la consommation n'est pas contrôlée). Le compteur devient obligatoire en 1880. Le chauffage est individuel, au charbon. Le chauffage central à eau basse pression (radiateur) vient des Etats-Unis, en 1889. C'est l'année où l'électricité se développe.
    Les premières tentatives d'éclairage électrique remontent à 1801, à l'Hôtel de Seignelay, au 47 rue Saint-Dominique. Le passage des Panoramas est le premier lieu public éclairé (en 1817). On extrait le gaz par distillation du charbon de bois, puis, du coke. Le compteur de gaz est obligatoire en même temps que le compteur d'eau (1855).

    janvier 2000, Pavillon de l'Arsenal